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04 novembre 2005

Passage obligé

Ah, ces prix littéraires! Ce marronnier ultime des médias en novembre (mois triste inexplicablement coincé entre la rentrée et Noël), cet alibi douceâtre qui permet, une fois l'an, de s'occuper de littérature, et qui donne cent angles d'attaque vendeurs : "record inégalé de parutions", "quantité n'égale pas qualité", interviews d'une palanquée d'experts germano-pratins pour discourir doctement de la qualité du cru 200..., reportages exclusifs sur une maison d'édition loin des Galligrasseuil, qui se concentre sur la qualité et a bien entendu découvert le jeune talent de l'année, et caetera, ad nauseam.

Et pourtant, la nature est faible ! Chaque année, on ne parvient pas à s'en désintéresser, de ces fameux prix littéraires. On suit, un peu malgré nous, cette course à l'échalote pour écrivains; on scrute (un peu) les listes des sélectionnés, on se surprend à lire l'un ou l'autre article expliquant comment les insiders voient la situation; on parcourt distraitement un article de la presse hebdomadaire qui donne ses pronostics (en général tous faux, à moins qu'on n'interroge suffisamment de penseurs, ce qui permettra normalement de trouver au moins un olibrius qui aura fait le bon pronostic -initialement, ce voyant extra-lucide devrait avoir été publié pour faire bonne mesure).

Alors dans cette optique, l'attribution du Goncourt à François Weyergans -ou plutôt, comme dit Assouline, la non-attribution du Goncourt à Michel Houellebecq- est une plutôt bonne nouvelle.

Déjà, je trouve la tendance de ces (très) vieux jurés à ruer dans les brancards et à aller à l'encontre du verdict attendu un peu jouissive, même si on pouvait s'y attendre. A posteriori, évidemment, c'est facile de dire que le matraquage organisé par Fayard pour son plus fameux débauché allait s'avérer contre-productif.

Ensuite, Weyergans, c'est plus la classe littéraire made in Paris Belgium qu'un Houellebecq qui sue le cap d'Agde et la caravane: avec ses faux airs de Jean-François Kahn Jean-Luc Godard, je l'aime bien, moi, Weyergans. Il sent le tabac chaud, la bibliothèque en désordre, le vieil escalier ciré. Et puis quelqu'un qui appelle sa mère de 91 ans à l'annonce de son prix ne peut être foncièrement mauvais.

Et puis finalement, donner tort à Sollers, même si c'est trop facile (1007 style), c'est aussi assez marrant.